Ohayou Gozaimasu à toutes et à tous ! C'est Rudy en direct du Japon pour un nouvel épisode un peu spécial de Japonais à Volonté. Cette fois je ne vais pas vous parler de mon expérience nippone mais de celle de Christophe Galati, jeune développeur indépendant dont le premier titre, Save me Mr Tako !, est sorti l'année dernière au Japon et en Occident., charmant par son univers rétro et ses nombreux hommages aux jeux de Nintendo.
C'est au Japon qu'il s'est installé pendant 5 mois pour préparer son nouveau projet au sein d'une résidence d'artistes francophones, la Villa Kujoyama. Il revient avec nous sur son expérience unique à Kyoto, la place du jeu vidéo au sein du monde artistique et l'influence de la culture nippone sur le développement de son futur projet. Bonne lecture !
Rudy Jean-François est notre spécialiste des jeux japonais, qui alimente régulièrement les pages import de Gameblog avec des tests, news et autres dossiers. Il s'est désormais expatrié au Japon, où il travaille et vit pleinement sa passion pour les okonomiyaki et les jeux vidéo nippons. Quand il ne joue pas à Splatoon 2 sur sa Switch à Tokyo, il danse la salsa, joue de la guitare basse, anime un podcast sur les rencontres à l'ère digitale ou partage quelques bribes de vie japonaise sur son compte Twitter @Rudy_JF. En plus des tests import dont il nous fait toujours profiter, vous pourrez retrouver ici, chaque mois, une chronique sur les nouvelles tendances et toutes les choses intéressantes qui surprendront son quotidien de Français du Japon.
Sommaire
Gameblog : Pourquoi avoir choisi de t'installer au Japon par le biais d'une résidence d'artistes francophones ? C'est original comme méthode !
C. Galati : En 2016 ou en 2017, j'étais tombé sur un documentaire de ARTE sur la Villa Médicis, une résidence artistique à Rome fondée par Louis XIV. C'est la plus vieille résidence artistique française qui envoie des artistes pendant une année à Rome lors de laquelle ils sont financés, logés mais surtout ont du temps pour développer leurs projets. Je me suis dit pourquoi ne pas tenter d'intégrer cette maison en produisant un dossier sur l'aspect artistique du jeu vidéo.
Malheureusement, on assimile encore aujourd'hui le jeu vidéo à une drogue, à un divertissement violent et addictif. Si on en entend parler dans des termes différents, ce n'est que pour parler d'e-sport. On a du mal à voir le jeu vidéo comme un média artistique avec des démarches réfléchies. C'était donc important pour moi que le jeu vidéo intègre l'univers de l'art afin, notamment, de convaincre les institutions que le jeu vidéo peut s'approcher de l'art.
Ça a fonctionné dans mon cas et j'ai pu obtenir cinq mois de résidence dans une Villa. Pas celle de Rome en revanche, mais dans la Villa Kujoyama à Kyoto !
Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette Villa ?
C'est une vraie retraite spirituelle où des animaux sauvages se baladent régulièrement comme des renards ou des singes par exemple... La Villa en elle-même ressemble à une forteresse pour artistes perdue au milieu de la montagne Kyotoïte. Je suis un peu une exception parce que je suis un développeur et en plus je suis le plus jeune résident à avoir intégré cette maison. Normalement, ce sont plutôt des personnes qui ont la trentaine ou la quarantaine. J'en profite énormément parce que lors du développement de Tako, je bossais la journée sur Unreal et le soir je me donnais à fond sur mon projet sur Unity.
En 4 ans j'ai pris 30 kilos, je ne prenais plus soin de moi. C'était un crunch constant. Après, c'est un crunch volontaire, donc c'est moins grave si on veut. Mais ce sont tout de même des sacrifices lourds. Pour mon futur jeu, je souhaitais avoir plus de stabilité, un lieu pour moi et surtout pouvoir prendre le temps de m'occuper de moi. La Villa de Kujoyama me permet de respirer et de me concentrer uniquement sur mon projet.
En tant que développeur, quels bénéfices t'apportent la Ville Kujoyama ?
Nous avons tous un studio personnel avec un petit jardin inclus. 20 artistes sont sélectionnés chaque année, et chacun a une durée de résidence précise qui ne peut pas excéder 6 mois.
On a un espace commun avec un piano et un projecteur, c'est l'endroit où on se retrouve une fois par semaine pour dîner ensemble. On a également beaucoup d'événements auquel nous devons être présents ce qui nous permet de découvrir les dessous de la politique artistique.
Nous sommes français pour la plupart, donc il y a des personnes présentes pour nous aider dans nos démarches administratives et la prise de contact avec des partenaires japonais. Par exemple, nous avons une danseuse qui souhaitait travailler avec des geishas. Le staff de la villa s'est occupé de la communication avec ces dernières. C'est aussi super de pouvoir rencontrer des personnes de milieux différents et de vivre des expériences si uniques ensemble, il n'y a rien de mieux pour générer de l'inspiration et de nouvelles idées.
Justement, en plus des échanges avec les autres résidents, quelle est l'influence de Kyoto sur le développement de ton projet ?
Miyamoto disait avoir trouvé l'inspiration de certains de ces jeux en se baladant dans les forêts Kyotoïtes. Après l'avoir fait, je comprends mieux ce qu'il voulait dire. Cette ville a une aura, quelque chose d'unique. Rien qu'en observer les habitants a quelque chose d'intrigant, d'hypnotisant. Elle me fait beaucoup penser au Bourg-Clocher de Majora's Mask et ses NPCs qui vaquaient tous les jours aux mêmes occupations. Tu as beaucoup de locaux qui ont des routines particulières, comme ce gentil papy qui mange tous les matins à la même heure sa banane et que je croise à chaque fois que je prends le métro. Avec d'autres résidents nous sommes aussi allés voir des spectacles de Geishas en formation qui se produisaient sur une scène aux planches coulissantes et tu comprends tout de suite d'où est venue l'inspiration pour Paper Mario.
Tu peux faire beaucoup de liens et parallèles entre la culture nippone et ce que l'on retrouve dans les jeux japonais, et j'ai hâte de faire la même chose dans mon prochain jeu. Un indice, ça impliquera une prairie et des biches, beaucoup de biches !